Monsieur ? Defortescu

«Le lendemain, vers cette heure-là...»
Le débarquement de juin 1944
vécu et raconté par une collégienne de Coutances

par Odile DANTON-BOUYSSOU

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extrait :

...

Samedi 10 juin

Après un copieux petit-déjeuner, nous faisons la vaisselle, les lits, le
ménage. Le village de Saint-Jean est devenu trop dangereux ; aussi
décidons-nous de rester à la ferme. Les parents de Monsieur Leconte
refusent, quant à eux, de quitter leur maison, bien qu’elle soit située près
du carrefour, mais c’est leur maison – ils en sont les gardiens et ne veulent
pas « déserter ».
Comment nourrir tout ce monde ? Heureusement, il y a les poules, les
lapins, du lait, du beurre – pas de pain, mais les repas sont délicieux, bien
supérieurs à ceux que j’ai connus jusqu’ici. Le soir, nous préparons une
omelette quand arrive, dans une carriole tirée par un cheval, la soeur de
Madame Lefèvre, son mari, ses enfants – plus Ernestine, une voisine, et sa
bonne, plus
Monsieur Defortescu, plus Madeleine Guesnon : tout le monde a
peur, car les Allemands se font plus menaçants. À plusieurs nous saurons
mieux nous défendre. Nous laissons notre lit « par terre » à la demi-douzaine
d’enfants. Les adultes sont sur les bancs, nous sur la table – vraiment peu
confortable ! À trois heures, nous ne dormons pas et prenons ce qui est
baptisé un « café », en fait de l’orge grillé et moulu. Les avions nous survolent
assez bas : impossible de fermer l’oeil ! Nous jouons aux petits carrés dans la
pénombre pendant que les adultes font semblant de dormir...

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