REF 023 - Messire Michel Bastard du Guesclin - Concerne Jehan Fortescu ( par Lepingard )

Messire Michel Bastard du Guesclin, Seigneur de Prètot en Cotentin (1379-1390)
( par Lepingard )

Messire_Bast_Duguesclin_1 Messire_Bast_Duguesclin_2A

Messire_Bast_Duguesclin_2B Messire_Bast_Duguesclin_3A

Messire_Bast_Duguesclin_3B Messire_Bast_Duguesclin_4



dans N.M.D.,t.16, 1898, p127-133.
 
Si du Guesclin, le vaillant connétable de France, n'eut point d'enfants des deux mariages qu'il contracta, du moins laissa-t-il un fils illégitime, Michel Bastard du Guesclin (1), que Moréri cite dans son dictionnaire, et auquel La Chénaye des Bois et Badier, dans leur dictionnaire de la Noblesse, consacrent les lignes suivantes : " Michel du Guesclin servait en Normandie, avec huit écuiers, le 18 octobre 1379; le Roy lui fit une gratification, le 21 décembre 1380, en considération des services qu'il avait rendus dans les guerres où il avait esté fait prisonnier plusieurs fois et mis à grande rançon (2).Il servit en Flandres, sous l'amiral de Vienne, en 1333, et eut quelques démélés avec Jeanne de Laval, veuve de son père " (3).
(1) Hay du Chastelet, dans son histoire du Connétable B. du Guesclin (Paris in-folio 1666) donne à la page 465, la traduction du Nobiliaire espagnol où l'on attribue à Du Guesclin, deux autres fils naturels nés et restés en Espagne : l'un nommé Bertrand de Torenz, qui fut commandeur de l'Ordre de Calatrava ; l'autre dont on ne donne pas le nom, mais duquel descendrait, dit-on, les marquis de Fuentès. Toutefois aucune preuve n'est produite à l'appui.
(2) Hay du Chastelet, aux preuves, p.466, consigne l'article suivant : " Au compte d'Estienne Turpin, receveur et distributeur des deniers qui sont et seront payés à cause de la réformation ordonnée l'an 1381 : " Michel fils, bastard du compte de Longueville, Connestable de France, pour deniers qui lui estoient deus pour don à luy fai par le feu roy Charles dernier (Ches v.) pour plusieurs et bons et agréables services que le dit Michel lui avoit fait en ses guerres, ès quelles il a esté pris plusieurs fois et mis à grande rampson. Par lettres du Roy du 21 décembre, neuf vingt livres tour.»
(3) Histoire de Bretagne par D.Morice, T. II, preuves p. 408 et 409 : «  M.l'Amiral retenu au nombre de 100 hommes d'armes par lettres du Roy données à Paris, le 15 avril, aprés Pasques 1379. Et depuis retenu au nombre de 400 hommes d'armes par autres du Roy données à Montargis le 16 juillet 1379.» Dans le nombre des hommes d'armes sous la charge de l'Amiral : « 
Jehan Fortescu.(JE01). ..Le Bastard du Guesclin .»   
" Le Bastard du Guesclin -- 7 décembre 1380. Montre de Guillaume de la Roche-Rousse, à Nantes. 7 janvier 1380 (vieux style), 1381 (nouveau style) -- à la Guerche T. II p. 26. 26 juillet 1392. Montre de Jehan de Perron, escuyer et de 4 escuyers en sa compagnie, veu au Mans (ibid. p. 605).»
Nul doute qu'à l'exemple d'Olivier du Guesclin, son oncle, ce preux chevalier n'ait suivi son père le Connétable sous les murs de Cherbourg; peut-être aussi prît-il part à la descente effectuée dans l'île de Jersey que relate M.G.Dupont dans son histoire du Cotentin et de ses îles,
Quoiqu'il en soit, rien, jusqu'à présent, ne laissait soupçonner, du moins à notre connaissance, que Michel du Guesclin se rattachait par un lien quelconque au Bas-Pays Normand.
Et cependant notre Chevalier avait pris femme dans le Clos même du Cotentin et y posséda, du chef de celle-ci, au moins un Fief de Haubert. Ce double fait résulte d'un aveu rendu, le 1er octobre 1390, au Bastard du Guesclin, par Jehan Fortescu, (JE01) escuier et contenant ce qui suit : ...» Item, sous la souveraineté du (Roy notre Sire) je confesse et advoue tenir par foy et hommage de noble seigneur Michel, bastard du Guesclin, et de Madame sa femme, un membre de fief tenu, par le quart d'un Fief de Haubert, franchement et noblement à court et usage, à simple Gaige-Plège, assis en la paroisse de Quetreville (alias Cretteville) et de Coigny-en-Bauptez, lequel existe et est une des branches du Fief de Prétot, et en doy au dict. Chevallier et Dame le Aydes coustumières, telles comme au dict quart de Fief peut appartenir par raison et par coustume, la Garde et Relief, quand le cas s'offre, et ay aux dicts Fiefs plusieurs rentes, faisances et redevances et plusieurs autres nobles franchises et droictures et dignités, segond que moy et (mes), prédécesseurs en avons usé au temps passé. Donné soubz mon sceel, le premier jour d'octobre, l'an mil iije iiijxx x » et plus bas :

" Collacion faicte. Signé Joubert et sélé " (1).

 
Mais à quelle famille appartenait la Dame Du Guesclin ?
L'aveu qui précède est muet sur ce point ; muet également sur le nom du Fief qui en est l'objet et sur celui du Fief dominant. par ailleurs, les historiens et les généalogistes ne fournissent aucun indice qui facilite la solution de ce problème historique.
Dans de telles conditions, il nous a paru que la marche la plus rationnelle pour découvrir la famille de la Dame du Guesclin était, en premier lieu, d'être bien fixé sur le nom du Fief possédé et avoué par Jehan Fortescu, (JE01) en second lieu, sur le nom du Fief et Seigneurie du quel relevait le précédent, pour ce second point élucidé, rechercher quel était le Seigneur qui posséda ce Fief dominant au temps du mariage de sa fille avec le Bastard du Guesclin.
Nous nous sommes mis à l'oeuvre, interrogeant les richesses que possèdent les archives départementales, principalement les nombreuses liasses du chartrier du Duché de Coigny, pour découvrir, d'abord, le nom du Fief de Jehan Fortescu,
Nous avons rencontré, parmi ces documents, un second aveu " fait, le 21 septembre 1406, à Messire Guillaume d'Orglandes, par Guillaume Fortescu, (GU01) " fils et héritier de Jehan Fortescu, l'avouant de 1390 (2). On y voit que le membre de Fief qui en est l'objet s'appelait alors " Fieu de Franquetot " Son identité avec le Fief de 1390 ne saurait faire difficulté, car celui qui le détient est le fils du précédent possesseur; de plus, le Fieu de Franquetot est assis à Cretteville et à Coingnies-en-Bauptez comme celui que Jehan Fortescu, avait avoué 16 ans auparavant ; comme lui encore il constitue un quart de Fief de Chevalier. Notons de plus qu'en 1457, cette terre noble était dite Fief, terre et Seigneurie de Prétot dans une déclaration " de l'ainsneche (?) de Rambault " faite à Richard Fortescu (RI01) par Pierre Le Bourgeois, de Cretteville ; qu'en 1491, elle était connue sous le nom de Fief, terre et Seigneurie de Fortescu, suivant un acte exercé " Es ples du Fief, terre et seigneurie de Prétot appartenant à noble homme Jehan d'Orglandres (sic); qu'enfin un autre acte, exercé aux mêmes pleds, le 20 juillet 1503, fait voir que le Prévost du Chef Fief de Prétot avait, par trois dimanches consécutifs, arrêté en la main de son Seigneur le Fief de FRANQUETOT nommé le FIEF DE FORTESCU. D'où il ressort jusqu'à la dernière évidence que ce double nom ai désigné une seule et même seigneurie, qui, par la suite s'appela simplement " Fief de Franquetot, assis en la Verge de Fortescu ".
(1) Archives départementales. Chartrier de Coigny. Liasse intitulée : "Anciens possesseurs du Fief de Franquetot ".
(2) Voir notre étude sur les
Fortescu français. Mémoires de la Société d'Agriculture, d'Archéologie et d'Histoire naturelle du département de la Manche. T. XII, p. 134.
 
 
II. -- Ce premier point acquis, recherchons de quel Fief et seigneurie relevait celui de Franquetot-Fortescu.
L'aveu de 1390 ci-dessus rapporté, en qualifiant le Fief de Jehan Fortescu (JE01) " Membre du Fief de Prétot, indique assurément la Prééminence de celui-ci sur celui-là. Mais l'aveu de 1406 rendu par Guillaume Fortescu (GU01) à Guillaume d'Orglandes, écuyer, seigneur de Prétot, est bien plus explicite encore. Il est ainsi conçu : " Fut présent à Quettreville-en-Bauptez, Guillaume Fortescu (GU01) seigneur de Saint Evremont sur Loson, qui, de son bon gré, confessa aujourd'huy avoir faict hommage à Guillaume d'Orglandes, escuier, seigneur de Prétot, d'un membre de Fieu de haubert appelé le Fieu de Franquetot, séant en la paroisse de Quettreville " (Cretteville) " tenu par un quart de Fief, à cause du Franc-Fieu et seigneurie de Prétot et du quel hommage, pour cette fois, le dit d'Orglandez se tint pour comptent.....»



Il est vrai, cependant, qu'aux assises de Varenguebec, tenues, le 7 décembre 1529, à Beuzeville, " Jacques Guillotte, prebstre, agissant pour lui et pour ses frères Jean et Mathieu, confessa et avoua tenir par foy et par hommage de Hault et excellent prince, Mgr le Duc de Longueville, à cause de sa terre et baronnie de Varenguebec, ung Franc-Fieu tenu à court et usaige et à simple Gaige Plège, nommé le Fief de Franquetot, du quel fief le chef est assis en la paroisse de Cretteville, en Bauptez, et s'éstend en la paroisse de Congnies " Mais il nous semble qu'on doit considérer cette intervention du Duc baron de Varenguebec bien moins comme le fait du Chef-Seigneur immédiat que comme la conséquençe de l'adjudication passée à son profit " du droit de garde des enfants soubs aagés de N.H. Jean de Tilly, écuier, sieur d'Escarboville et de feue damoiselle Guillemette Lenfant, sa femme, auxquels appartenait alors le Fief de Franquetot (1) "
Le Fief de Prétot sis à Prétot nous paraît être indubitablement celui duquel se relevait par 1/4 de Fief de Haubert, le Fief de Franquetot dit aussi Prétot et encore Fortescu. Il existait également dans cette paroisse un second Fief appelé le Castel, dont Cécile Langlois fut, à un moment donné, Dame et Seigneur.
(1) Supplique du 28 mai 1530, adressée aux officiers du Duc (archives départementales. Chartrier de Coigny-Prétot).
 
III. Reste à chercher la Famille qui, dans la dernière moitié du xix° siècle, antérieurement toutefois à 1390, possédait le Fief de Prétot proprement dit.
Aux premières années du XIIe siècle, Robert de Prétot et sa femme étaient seigneurs du Fief de ce nom, car à ce titre ils donnèrent à l'Abbaye de Lessay, l'église de Prétot, avec ses dîmes, ses aumônes et toutes ses appartenances, le jour même où leur fils Geoffroy prit l'habit monacal dans cette même église. Les témoins sont Richard de la Haye et Muriel, sa femme. (2)
En 1178, Robert de Péretot et Robert de Fontaines, son gendre, donnent, ou plutôt confirment à la màme Abbaye la moitié de l'église de Prétot, avec ses terres et ses aumônes. (3)
Au XIIIe siècle, Guillaume de Fontaines, chler, et son fils Robert de Fontaines, également chler, confirment à leur tour, à l'Abbé, aux Religieux et Couvent de Lessay, la même grande portion de leur Eglise paroissiale dépendant de leur Fief. (4)
(2) Archives départementales de la Manche H 5320. Ab. de Lessay.
(3) Archives départementales de la Manche H 5321. Ab. de Lessay.
(4) Archives départementales de la Manche H 5322. Ab. de Lessay.

 
Ici, faute de renseignements, s'interrompt la lignée des de Fontaines ; mais nous la retrouvons, vers le milieu du XVe siècle, dans un compromis passé le 25 avril 1402, entre " Guillaume d'Orglandes, écuyer, devenu Seigneur de Prétot et Religioux hommes et honnetz l'Abbé et Convent de Saint-Nicolas de Blanchelemde " (5) au sujet d'une rente de 6 bois. de froment " qui jà piecha avoient esté donnez en pure osmonne aux relligioux du d. lieu de Blanchelande par feu Guillaume de Fonteinez, jadis chevalier, seigneur du d. lieu de Prétot et ancessour du d. escuier (Guillaume d'Orglandes). La rente, affectée d'abord sur certaines terres situées à Prétot, est reportée sur d'autres héritages assis à Neufmesnil. A cette occasion Guillaume d'Orglandes " meu de dévotion pour le salut de ces ancessours, confirme et a pour agréable le don qui par le dit messire Guillaume des Fonteinez fut fait aux d. Religieux.» Il nous semble que ce Guillaume de Fonteinez, n'est autre que le Guillaume de Fontaines, chevalier bachelier qui, le 27 mai 1356, faisait partie de la montre de Guillaume d'Argouges. (6)
(5) Archives départementales de la Manche H 489. Abb. de Blanchelande.
(6) Défenseurs du Mont Saint-Michel, par M. le Vte O. de Porli. Preuves, n° 278.
 

 

Ce Guillaume de Fontaines ne dut laisser qu'une fille appelée Katherine de Fontaines, qui, antérieurement à l'année 1380 (1) avait vendu à noble homme homme Jehan Fortescu le Fief de Prétot-Franquetot-Fortescu, sis à Cretteville et à Coigny. " Comme il appert par lettres royales " qu'il exhiba.
(1) Archives départementales. Chartrier du duché de Coigny. Liasse de Franquetot et de Prétot.

Mais cette même Katherine ayant conservé le Fief, terre et Seigneurie de Prétot, sis en la paroisse de ce nom, c'est à cette dame et à son mari Michel-Bastard du Guesclin qu'en 1390 son vassal (Jehan Fortescu) rendit aveu de son Fief de Franquetot-Fortescu. Ces rapports entre Michel-Bastard du Guesclin et Jehan Fortescu s'expliquent par leur confraternité d'armes puisque l'un et l'autre faisaient partie de la retenue " de M. l'Amiral résultant de lettres du Roy données à Paris le 15 avril aprés Pasques 1379, et d'autres lettres données à Montargis le 16 juillet suivant. » (2).
 
(2) Histoire de Bretagne par Dom. Maurice. Preuves, T. II, p.408 et 409.

Quant au mariage de la dame de Prétot avec le Bastard du Guesclin il nous semble naturel; d'abord, une fille de famille devait se trouver honorée de la recherche du fils, même illégitime du Connétable de France, alors surtout que le futur époux était lui même un vaillant chevalier et que de plus elle était la vassale de Bertrand du Guesclin auquel Charles V, avait donné le comté de Longueville et la baronnie de Varenguebec, dans la mouvance de laquelle était le grand Fief de Prétot. Est-ce à dire que cette union est prouvée par A plus B ? Dieu nous garde de cette présomption. Mais on ne saurait nier, ce semble, que les faits et renseignements ci-dessus exposés sont assez concomittants pour nous permettre de dire que tant qu'une preuve contraire, mais décisive, ne sera pas apportée, le fait que nous nous sommes efforcé d'établir devra être regardé comme un fait acquis.

Lepingard.




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